[I apologize for my non-French readers, but I will write this in French.]
Aharon Appelfeld a publié en 1999 un essai autobiographique : Histoire d'une vie (en hébreu, סיפור חיים, en anglais The Story of a Life).
Appelfeld revient sur ses souvenirs d'enfance d'une façon qui me rappelle beaucoup Georges Perec dans W ou le souvenir d'enfance. Georges Perec était né en 1936, Appelfeld est né en 1932. Appelfeld insiste beaucoup sur le manque de souvenirs précis (noms de lieux et de personnes, dates) qui l'empêche de relater son expérience pendant la guerre sous forme d'un témoignage au sens habituel du terme. Le paradoxe étant que cette expérience est imprimée à vie dans son corps par les sensations de peur, de faim, de froid, d'abandon qu'il a éprouvées. Appelfeld passe et repasse donc sur les années de guerre et d'errance pour chercher les mots justes qui évoqueront ces sensations, ces petites choses qui l'obséderont éternellement, et cela aussi est un témoignage, d'un autre genre.
Le récit de son combat, perdu d'avance, pour oublier son passé et se construire une nouvelle identité en Israël comme le voulait l'idéologie de l'époque est une autre part importante du livre. Ce sujet est évoqué par lui-même et par la réalisatrice, Nurit Aviv, dans le documentaire "D'une langue à l'autre" qu'une amie m'avait fait connaître. Cette partie a donc été sans surprise, elle évoque l'apprentissage de l'hébreu associé à la prise de conscience de l'auteur qu'il ne serait jamais "un homme nouveau", qu'il garderait toujours son passé et les lieux de son enfance comme bagage identitaire, que la lecture du Yiddish lui permettra de cultiver. Cette pression sur les individus pour qu'ils renoncent à leur passé diasporique me donne envie de rappeler à quelle point les idéologies sont néfastes...
Appelfeld, lorsqu'il parle des livres qu'il a publiés, me donne l'impression très nette qu'il éprouve le besoin de se justifier face à ses critiques. Comme je l'ai dit plus haut je n'ai rien lu d'autre d'Appelfeld, je ne suis donc pas au fait des débats entourant son oeuvre (le débat tournait apparemment autour de la question de savoir si l'on a le droit d'écrire de la fiction sur la Shoah, et sur l'appellation d'"écrivain de la Shoah" qu'Appelfeld rejette).
Ces trois sujets principaux semblent finalement naturels mais les dernières pages m'ont réservé une surprise. Dans un ouvrage où Appelfeld ne parle jamais de relation amoureuse ni d'aucun lieu où il se serait fixé en Israël, il parle en détail de l'association des rescapés de la Shoah pour, tout à la fin, déclarer sobrement que s'il est un endroit qui lui a tenu lieu de maison en Israël c'est bien celui-là.
Autoportrait émouvant d'un individu blessé qui a écrit pour survivre à son déracinement... et surmonter sa solitude ?
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